Les élèves de 4e ou l’écriture collaborative
Dans le cadre du cours de français, les élèves de 4e A se sont lancés dans une expérience d’écriture collaborative. La consigne : écrire une nouvelle fantastique.
Pour cela, il leur a fallu élaborer un synopsis en commun, répartir entre les groupes la rédaction de chacune des étapes du schéma narratif, mettre les fragments en commun, relire, modifier, ajuster, corriger, corriger encore : et voici le résultat ! Bonne lecture !
Les tableaux de l’effroi
Anna et moi nous mîmes à courir après Julien qui se dirigeait vers sa salle de classe.
« Bouh !
– Ah ! vous m’avez fait peur, dit Julien. Il faut que vous arrêtiez d’effrayer les gens comme ça !
– Oh pourtant, ça s’impose dans un vieux château qui fait office de collège », dis-je d’un ton désespéré.
Nous nous ennuyions ferme dans ce château, il fallait bien “pimenter” nos journées.
« Allez plutôt visiter les coins que vous ne connaissez pas ! Par exemple…
– Ok rendez-vous ce soir près de la salle de musique…, dit Anna en me prenant par le bras. Viens, Angela ! »
Le lendemain matin, alors que nous étions en chemin pour la salle de sport avec Julien et Antoine, on entendait discuter dans les rangs :
« Tu as vu ce qu’il y a sur la porte des toilettes ? disait Léa, une élève de la classe.
– Non, répondit Emmanuelle
– Il y a un dessin de la directrice avec un nez de cochon…
– Ah ! Encore l’œuvre des mêmes élèves, je suppose ! »
Derrière Anna, Emmanuelle et Mohammed entendirent la discussion et se mirent à rire.
Toute notre petite bande, composée d’Anna, Julien, Mohammed, Antoine et moi, Angela, était à l’internat Beethoven, un collège isolé dans la campagne bretonne. Les élèves ne rentraient chez eux que pendant les vacances : beaucoup d’entre eux avaient des parents très occupés…
On essayait de tromper notre ennui en faisant quelques bêtises… et de temps en temps, la nuit, il se produisait des choses que nous trouvions amusantes. Monsieur Arnaud, le surveillant, consacrait ses journées à chercher les auteurs de ces « actes de vandalisme », comme il disait.
***
Une semaine plus tard, on nous annonça d’un air enjoué « une sortie culturelle » : nous allions au musée de la Louve. Nous ne nous montrâmes pas vraiment enthousiasmés…
Quand le car arriva, je courus vers les places du fond pour m’installer à côté de Manu. Les places du fond sont toujours les plus convoitées ! Malheureusement, le surveillant doit penser comme nous… Il vint s’installer entre nous ! Cette sortie commençait bien…
Une petite demi-heure plus tard, le car s’arrêta devant la statue d’une louve qui nous indiquait que nous étions arrivés à destination.
Monsieur Arnaud nous accompagna jusqu’à l’entrée où nous attendait un homme vêtu d’une veste noire aux boutons dorés et qui portait un badge indiquant « Guide-conférencier ». Il nous mena vers la première salle d’exposition.
Antoine nous interpella pour nous montrer un tableau que nous avions étudié en cours de français. Il s’agissait d’une œuvre de Carlos Schwabe, la Mort du fossoyeur. Bizarrement Mohammed et Anna crurent voir l’ange noir leur faire un clin d’œil ! Effrayés par ce qu’ils venaient de voir, ils se regardèrent et coururent nous prévenir. Nous pensâmes d’abord qu’ils plaisantaient et se moquaient de nous : nous venions aussi de le voir, ce tableau, et il ne s’était rien passé ! Mais Mohammed avait l’air prêt à pleurer et Anna était pâle comme un linge. Ils semblaient tous les deux au bord du malaise.
Nous précipitâmes vers le guide:
« Monsieur, Anna et Mohammed ont cru voir le personnage d’un tableau faire un clin d’œil ! » s’exclama Julien.
Notre interlocuteur se mit à rire, et répondit :
« Sûrement une de vos blagues, les enfants. Suivez la visite et calmez-vous ! »
Après cette mésaventure, la visite se déroula normalement mais nous étions très angoissés lorsque nous passions devant les œuvres. Il faut dire que les tableaux que nous voyions étaient ceux que nous avions étudiés en français, dans le cours sur le registre fantastique… Ils avaient été peints pour faire peur et, en ce qui nous concernait, ils y parvenaient plutôt bien !
Les autres élèves ne semblaient rien remarquer de suspect. Après deux heures de visite du musée, Monsieur Arnaud nous informa qu’il était l’heure de rentrer.
Je me dirigeai vers le fond du car pour rejoindre mes amis. Cette fois, le surveillant avait eu la bonne idée de rester à l’avant. Nous avons commencé à discuter. Julien interrogea Anna et Mohammed :
« Êtes-vous vraiment sûrs d’avoir vu l’ange noir cligner de l’œil ?
– Maintenant, je n’en suis plus si certain… Et toi Anna ?
– Moi non plus je n’en suis pas sûre mais j’y ai vraiment cru !
– C’est peut-être un truc du musée pour donner envie à plus de personnes de venir le visiter ?
– Ou alors, c’est à cause de la prof de français, elle nous a fait travailler sur des trucs qui faisaient trop peur… », suggéra Julien d’une petite voix.
C’est à ce moment-là que je me décidai à prendre la parole à mon tour. J’étais restée silencieuse depuis le départ du car, ce qui ne me ressemblait pas…
« Moi aussi, j’ai remarqué des choses bizarres », dis-je d’une voix sourde.
J’avais un peu honte, je croyais avoir été victime d’hallucinations, ou de ce que maman appelait mon « imagination débordante » …
« Et vous, vous n’aviez pas l’air de voir que… les tableaux changeaient. Plus les minutes défilaient, plus je me sentais oppressée, plus l’ambiance devenait … glauque. Le besoin d’en parler devenait essentiel, mais je ne pouvais même plus bouger, ni les bras, ni les jambes, j’étais coincée devant un tableau précis, celui-là même qui me paraissait étrange quand le guide donnait les explications. Ce tableau était grand et très sombre, un personnage dans l’ombre semblait me regarder d’un air mauvais. »
Je frissonnai à ce souvenir, quand Emmanuelle prit la parole à son tour, chuchotant presque :
« Tu te souviens du tableau, le Cauchemar, de Johann Füssli ? On l’a étudié en français, et il était dans le fond de la grande salle du musée.
J’aurais juré que la femme n’était pas allongée mais assise sur son lit quand on est passés devant tout à l’heure ! »
Avant que nous ayons pu finir notre conversation, le car s’arrêta devant les portes de l’internat et Monsieur Arnaud nous pria de sortir.
***
A notre arrivée, on a vite filé dans la salle commune. D’ordinaire, c’était un endroit chaleureux et agréable, mais, aujourd’hui, il y flottait une atmosphère lourde, annonciatrice de jours longs et fatigants consacrés à duper les surveillants pour élaborer des plans…
On s’est assis et on a parlé jusqu’à ce que notre surveillant Monsieur Arnaud, nous renvoie dans nos dortoirs respectifs. Comme je suis dans la même chambre que Manu et Anna, on a parlé toute la nuit. Le lendemain, nous étions libres. Le matin, nous avons demandé aux garçons de chercher sur Internet si des manifestations de ce genre s’étaient déjà produites, avec les œuvres de ces peintres ou d’autres. Nous voulions en apprendre plus sur tout ça.
Nous, les filles, nous sommes allées à la médiathèque du village sous prétexte que c’était mieux documenté, mais tout le monde savait que c’était pour voir le beau bibliothécaire… Malgré ses beaux yeux profonds, on a réussi à trouver quelque chose. Il y avait un livre que rassemblait les archives des journaux des années 1800…
On a demandé à le prendre mais on nous a répondu qu’il était en exposition et qu’il ne pouvait pas être emprunté. Alors, on a appelé nos amis qui sont arrivés très rapidement. Après avoir pris des photos en douce, on a filé.
***
Nous avons passé les heures suivantes à examiner les photos des archives des journaux ; les yeux nous brûlaient : les photos n’étaient pas de très bonne qualité et l’encre avait passé sur les journaux jaunis. Pourtant, nous constatâmes que le phénomène des tableaux qui se modifiaient était mentionné par les journaux. Il semblait se reproduire à intervalles réguliers, fin novembre tous les sept ans. Nous étions exactement dans ce créneau ! Les articles parlaient de “phénomènes inexpliqués”.
Monsieur Arnaud s’inquiétait de nous voir aussi sages et studieux. Il s’approcha pour nous demander ce que nous faisions. Nous échangeâmes des regards interrogateurs : Monsieur Arnaud pouvait-il être mis au courant ? Pouvions-nous lui faire confiance ? Ou nous obligerait-il à abandonner notre enquête ?
Mohammed se décida, et dit au surveillant, sur un ton de confidence :
« Au musée, nous avons cru constater que certains tableaux bougeaient ou faisaient du bruit… ».
Arnaud, à notre grande surprise, répondit :
« Oui, il paraît que ça commence comme ça… Alors, ça y est, ça recommence !
– Comment ça ? Qu’est-ce qui recommence ? interrogeai-je anxieusement.
– Il faut qu’on fasse le tour du collège, si les choses se passent comme mon père l’a dit…
– Quoi ? Comment ? Monsieur Arnaud, expliquez-nous ! supplia Julien.
– Vous verrez bien ! Nous verrons bien… Soyez prêts à minuit, retrouvons-nous dans la salle commune !
– Nous y serons », promit Anna. Elle avait l’air très angoissée mais semblait déterminée.
***
Monsieur Arnaud parti, nous reprîmes nos conciliabules.
Mohammed lança :
« On devrait s’arranger pour dormir dans la salle commune et écouter ce qu’il se passe. Hier, j’ai entendu des portes claquer et des bruits du côté des toilettes, et comme j’avais une envie, disons… pressante, je suis allé voir, mais je n’ai rien remarqué d’anormal.
– Oui, faisons comme cela ! » J’étais contente de cette proposition : rester tous en groupe me paraissait moins inquiétant…
Nous avons donc décidé de retourner à nos dortoirs respectifs, chercher nos duvets et des lampes de poche. Julien, qui a toujours faim, voulait aussi prendre de quoi manger.
Nous avancions à pas de loup dans le couloir. Nous avions la bénédiction de Monsieur Arnaud, mais il fallait absolument que nous évitions de rencontrer la directrice qui patrouillait le soir pour ne pas encore une fois retrouver son portrait affublé d’un groin sur les portes des toilettes.
En retournant vers la grande salle, dans un couloir sombre, nous remarquâmes un tableau que l’on n’avait jamais vu auparavant à l’internat. Nous nous approchâmes et à la lueur de notre lampe de poche, nous reconnûmes un tableau du musée !
Nous nous précipitâmes pour rejoindre les autres. Tout le monde parlait en même temps : tout le monde avait vu la même chose, des tableaux du musée sur les murs des différents couloirs qui menaient à nos chambres !
S’armant de courage, on décida d’un commun accord d’aller voir ça de plus près, mais tous ensemble… Nous n’étions pas très rassurés…
Quand nous arrivâmes dans un couloir, le tableau n’était plus à la même place. A la lueur de nos lampes de poche, nous le vîmes au fond du couloir. Il glissait le long du mur, se dirigeant lentement vers la salle du fond, où se trouvait la porte de derrière. Tout à coup il s’arrêta, comme s’il nous avait repérés, et resta immobile. Nous nous approchâmes, malgré notre effroi, parce que nous voulions comprendre ce qu’il se passait.
Emmanuelle remarqua que le tableau n’était pas accroché et qu’il y avait un espace entre le mur et le dos du cadre.
Antoine s’exclama :
« Oh ! Regardez, on dirait qu’il vole ! »
Je répondis :
« Oui et c’est très étrange. Il faut aller chercher Monsieur Arnaud ! Vite ! »
Nous courûmes dans tout le château, visitâmes toutes les pièces, fouillâmes tous les recoins de cette immense bâtisse. Monsieur Arnaud n’était nulle part !
***
Tout ce bruit avait réveillé la directrice. Elle arriva, vêtue d’une chemise rose à froufrous, portant une sorte de bonnet rose également, destiné sans doute à protéger sa mise en plis. En la voyant, malgré l’inquiétude qui nous taraudait et l’étrangeté de la situation, une envie de rire nous saisit tous : elle ressemblait tellement à la caricature qu’un élève avait fait d’elle sur la porte des toilettes !
Elle écouta nos explications d’un air de plus en plus perplexe, et finit par exiger d’un ton sévère qui rendait sa tenue rose encore plus risible, que nous lui montrions « tout ça ».
Nous nous rendîmes dans le premier couloir, tous ensemble : il n’y avait rien, pas le moindre tableau au mur !
Incrédules, nous allâmes ainsi, de couloir en couloir, suivis de notre directrice habillée de rose mais au visage de plus en plus rouge. Rien !
Rien ne recouvrait plus les murs à la couleur indéfinissable, rien n’y glissait plus !
La directrice était furieuse. Elle nous renvoya dans nos dortoirs, en nous menaçant d’heures de colle en rafales. Elle appela Monsieur Arnaud pour qu’il applique la sentence… Mais de Monsieur Arnaud, point !
On fouilla le château de fond en comble, la police fut appelée en renfort…
Mais Monsieur Arnaud ne reparut jamais. Non plus que les tableaux qui avaient décoré très temporairement les murs de notre internat…
Les élèves de 4e A : Florian M., Enzo DR., Jeanne G., Nolan B., Alexis G., Alix C., Manon G., Tibo LS., Rozenn C-LP., Liza LG., Jules C., Karla RA ., Lucas LB ., Lilou B ., Nolan A., Marianne L., Nils M.,Malo B., Arthur A ., Gael R ., Louise T., Tifanny G., Evan B., Victorine L.